Leçon n°11 – États d’ivresse

Personne ne prétend plus désormais qu’il soit tolérable de conduire une voiture en état d’ivresse sur le territoire français. Motif? La présence d’alcool dans le sang ralentit la vitesse des réflexes, étrécit les perceptions visuelles, altère la perception des distances, affaiblit la perception des contextes, fait disparaître la conscience – déjà rare en temps ordinaire – que la voiture est douée d’une certaine énergie cinétique – vu son poids en mouvement – etc., et constitue un facteur/cause d’accident quasiment automatique.

En bref, l’alcool a été reconnu comme un facteur de perturbation des fonctions mentales suffisamment important pour justifier une législation fortement répressive d’une part, et résolument préventive dans le sens dissuasif, d’autre part.

Prenez d’abord, au hasard, un organisme dépourvu de particularité exceptionnelle et fonctionnant de façon ‘normale’, imbibez le d’alcool et vous allez obtenir pour lui et ses entourages une situation à risques d’autant plus dangereuse que le taux d’alcool est élevé. Les humains ne sont pas les seuls concernés. Il existe sur Internet une vidéo (Animaux saouls d’amarula.mvw) montrant les effets remarquablement ‘titubants’ d’un fruit alcoolisé (lorsqu’il est très mûr) nommé «amarula» sur les animaux herbivores sauvages d’Afrique. Cette situation d’ivresse garantit aux prédateurs, qui l’apprécient, la dégustation d’un repas finement alcoolisé et particulièrement facile à se procurer…!

Pour déterminer et observer les effets de la toxicité de l’alcool, il a fallu un jour trouver un point de comparaison, qu’il est aisé de définir par l’état d’un organisme sans alcool dans le sang. Cet état dépourvu d’alcool ne garantit pas pour autant une santé mentale en bon état de marche. Il garantit seulement l’absence de perturbations mentales dues à l’alcool, et rien d’autre. Loin d’enfoncer seulement une porte ouverte, cette lapalissade cache une réalité fonctionnelle précise.

Prenez maintenant, au hasard, un organisme dépourvu de particularité exceptionnelle et fonctionnant de façon ‘normale’, comme le vôtre, imbibez le d’idées fausses et d’interprétations non pertinentes sur l’existence, de conditionnements infantiles et d’addictions pathologiques, de sentiments inadaptés à ce qui se passe et d’émotions perturbatrices, et vous allez obtenir pour lui/elle et ses entourages une situation à risques d’autant plus dangereuse que le taux d’inconscience et d’aveuglement spécifique à propos de cette situation est élevé.

Dans notre civilisation occidentale, le terme inconscience est synonyme de «ténèbres», ce terme étant dépourvu de singulier, probablement pour rappeler que ce phénomène renvoie à l’étude de nombreux niveaux intérieurs et extérieurs. En étymologie, ce mot signifie «Celui/celle qui se tient (ten-tenir) dans l’èbre (ebreébriétas; ébriété, ivresse)». En opposés, les termes «conscience» et «lumière» ont été employés pour synonymes, de la même façon.

Par analogie, sur quel critère pouvons faire confiance à la qualité de nos perceptions, à la pertinence de nos pensées, à la justesse de nos évaluations et de nos jugements, à la vérité de nos sentiments? Autrement dit, dans quel ‘état’ nous est-il possible de «voir les choses telles qu’elles sont»? Eh bien, il nous faut trouver un point de repère, qu’il est aisé de définir comme l’état d’une organisation mentale non altérée par les pensées et les émotions perturbatrices. Cet état sans perturbation émotionnelle ne garantit pas pour autant une santé mentale en bon état de marche. Elle garantit seulement l’absence de perturbations mentales dues aux pensées et émotions qui ne contribuent pas à enrichir la conscience, mais plutôt à la plomber et à l’obscurcir.

C’est pourquoi la définition traditionnelle du calme mental a toujours -depuis Bouddha- pris une formulation négative: «Le calme mental peut se définir comme le fonctionnement naturel et tranquille de l’esprit dépourvu de toutes les formes d’agitation et de perturbation.»

Ces formes d’agitation et de perturbation sont: le « bavardage mental », la production automatique et inconsciente des pensées, des images, des émotions, des sentiments et des intuitions, des perceptions internes, les interprétations, les théories, les doutes, les passions, les craintes, les peurs, les angoisses, etc.

D’une façon générale, il s’agit de tous les phénomènes mentaux et perceptions qui arrivent dans le champ de conscience de quelqu’un sans avoir été consciemment invités, et auxquels nous croyons de façon aveugle en oubliant qu’il s’agit du Grand Spectacle de Magie que l’esprit ordinaire (que les Soufis appellent le Grand Magicien) projette sur notre écran de conscience.

Aux niveaux sociaux, nous ne validons plus l’abus d’alcool. Mais aux niveaux personnels, les émotions et sentiments perturbateurs nous font mauvaise conduite, et nous font aussi voir double et trouble. Apprendre à reconnaître ces fonctionnements inconscients dans notre activité mentale nous sert à ne plus en rester les marionnettes victimes et aveugles, de façon à pouvoir accepter leur existence et leur vérité, sans en valider ni subir leurs résultats. Sauf à payer le prix de la stupidité, de l’ignorance et de l’aveuglement, nous n’avons pas à chérir et à entretenir des comportements toxiques et destructeurs.