Leçon n°46 – SIJORESU

La configuration mentale de type imaginaire qui fonctionne à partir du mode conditionnel consomme une énergie considérable et constitue l’un des pièges mentaux ordinaires les plus subtils et les plus effrayants. Elle alimente une quantité importante de troubles sémantiques, de processus dépressifs, de pathologies paranoïaques ou schizophréniques. Elle est corrélée aux processus de dénégation et d’évitement du ‘réel’ et nous conduit à rêver notre existence plutôt que de la vivre. Et tant qu’elle n’a pas été travaillée de façon efficace, tout ceci fonctionne de façon parfaitement inconsciente!

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, faites cet exercice qui ne comporte aucun piège particulier. Il a pour objet de vous permettre une observation fine de cette configuration mentale qu’en souvenir de la Guerre des Boutons j’ai nommée SIJORÈSU et qui se trouve la plupart du temps inconsciente. Lorsque vous l’aurez fait, vous saurez comment elle fonctionne chez vous:

1°) D’abord, complétez par écrit les phrases suivantes, en observant comment les mots se parlent d’abord ‘en esprit’[1].

«Je ne serais pas arrivé en retard tout à l’heure si…»
«Mon appartement actuel serait mieux si…»
«Si la sexualité s’enseignait à l’école comme le sport…»
«J’aurais moins peur de perdre mon travail si…»
«Je me sentirais moins angoissé lorsque j’aurais réussi à»

2°) Maintenant, observez et contemplez comment des souvenirs, des images, des mots, des scénarios, des éventualités, potentialités et autres hypothèses sont apparus automatiquement dans votre champ de conscience sans qu’aucune volonté particulière consciente ne soit nécessaire pour que cela se produise. Il s’agit du processus de création des pensées automatiques.
Quand vous serez certain(e) d’avoir bien contemplé ceci (au moins 2′, svp), vous pouvez continuer à observer le ‘même’ processus, de façon à l’identifier sans erreur possible, en complétant les phrases suivantes:

«Si j’étais né(e) sous Louis XIV, j’aurais aimé…»
«Quand j’aurais plus d’argent, je pourrais …»
«Si je ne vivais pas tout(e) seul(e), …»
«Je me sentirais plus tranquille si …»
«Si mon amant(e) n’était pas si loin…»

3°) Ensuite, observez pour chaque phrase suivante ce qui se passe à la suite des images, des mots, des scénarios, des éventualités, des potentialités etc., Il s’agit du processus de création des émotions et des sentiments qui peuvent se former aussi de façon automatique.

«J’aimerais trouver des amis qui…»
«Si j’avais su que cette histoire d’amour se terminerait comme ça, …»
«Si j’avais eu plus de temps, …»
«Avant qu’on se quitte, j’aurais vraiment aimé lui dire»
«Si j’avais pu faire ce que j’aime dans la vie, …»

4°) Enfin, prenez également le temps d’observer comment votre organisation mentale invente les contextes à la demande sans presque aucune restriction en se basant sur vos contextes personnels. Observez encore comment elle est capable de ‘meubler les vides,’ même si cela ne présente aucun intérêt pour vous. Observez aussi comment, une fois qu’il se sent observé, les productions Egollywood de votre ‘Grand Magicien Intérieur’ semblent fonctionner de façon moins efficace et moins créative…

«Si j’avais eu d’autres parents, …»
«Si je n’avais pas été aussi stupide…»
«Si j’avais été élevé(e) autrement, …»
«J’aurais du me rendre compte que…»
«J’aimerais bien apprendre à faire…»

L’usage inconscient du conditionnel passé fonctionne comme une machine à fabriquer désespoir et dépression.

«Tu vois, si je n’avais pas été malade, j’aurais gagné ce concours!»
«Je n’aurais jamais du accepter de travailler pour cet homme là.»
«J’aimerais tant ne plus me comporter comme un(e) gamin(e)…»
«Si je ne l’avais pas épousé(e), tout aurait été différent: j’aurais réussi ma vie.», etc.

Si telles et telles conditions se trouvaient réunies, peut-être se passerait-il tel ou tel événement… Peut-être… Mais pendant ce temps-là, notre organisme-comme-un-tout fabrique (la plupart du temps à notre in-su) des ‘paysages’ et des ‘territoires’ illusoires sans que nous puissions prendre conscience des désordres énergétiques qui se produisent aux niveaux silencieux.

Toutes les pensées, émotions, sentiments et cogitations annexes éventuelles se produisent de façon automatique et sans entraînement particulier de notre part à l’intériorisation, passent inaperçues. Elles n’en produisent pas moins tous leurs effets!  Presque toutes les techniques de vente et d’escroquerie, ainsi que les techniques de manipulations religieuses, politiques ou sectaires, fonctionnent sur cette structure là.

En pratique, n’importe quelle phrase employée au conditionnel passé nous sort directement d’ici-maintenant, nous propulse dans un là-bas-ailleurs indéterminé et court-circuite directement tous nos repères ‘organiques’ qui, eux, fonctionnent en terme d’ici-maintenant.

– «Ah, si tu m’avais écouté(e)! On n’en serait pas là!»

Eh bien dans tous les cas, la réponse est Non! «Quelles que soient les raisons, causes ou motifs de ma surdité et/ou de mon aveuglement à l’époque, je n’ai pas écouté, cela ne s’est pas produit et cela n’a donc pas de sens de parler ainsi ni de regretter quoique ce soit.» Autrement dit, l’heure n’est pas à produire des lamentations sur nos incompétences, incapacités, aveuglements et autres ignorances inconscientes qui constituent autant de récupérations habiles de l’Ego, version Povtichou(te)[2].

Cela ne doit pas empêcher, après coup, d’étudier méthodiquement tous les paramètres qui ont concouru à fabriquer des désastres existentiels de façon à en tirer une connaissance utilisable. Mais ceci constitue plutôt le domaine de l’analyse rétro-active. Ce que nous sommes en train de faire est du domaine de l’observation non-impliquée: la contemplation.

Mais dans la subtilité des structures égotiques, il y a une autre subtilité bien plus dangereuse au quotidien tant elle est généralisée. D’où sortent donc nos sentiments de contrariété, susceptibilité, inconfort, agacement, dégoût, protestation, ressentiment, frustration, jalousie, tristesse, trahison, honte, irrespect de soi, arrogance, inquiétude, etc. et dois-je poursuivre la liste? Pour présenter le tableau d’une façon un peu différente, comment se fait-il que Povtichou(te) se plaigne d’à peu près tous les événements ordinaires de notre existence d’une façon que Corneille et Racine ont immortalisé dans leurs tragédies:

– Pourquoi ça? (et pas autre chose)
– Pourquoi comme ça? (et pas autrement)
– Pourquoi justement maintenant? (alors que tout allait si bien)
– Pourquoi moi? (et pas les autres, surtout ceux qui sont plus méchants que moi)
Pourquoi tant de misère? (alors qu’on pourrait tous être heureux si on voulait)
Pourquoi tant de haine? (alors que je suis si gentil(le)?

La liste est-elle terminée? Non pas!

– Pourquoi Roger est-il moins amoureux de moi qu’avant?
alors qu’il l’était avant qu’on se marie…, enfin, je crois…
– Pourquoi je n’arrive pas à me concentrer dès que je dois travailler?
alors que ça devrait être évident, sans problème et pour ainsi dire, naturel…enfin, je crois…
– Pourquoi je ne réussis pas à méditer comme (je suppose que) je devrais le faire?
alors que ça semblait si facile avant de commencer l’entraînement, enfin, je crois…
– Pourquoi je n’arrive pas à m’exprimer simplement, pourquoi je parle aussi peu?
alors que je sais que je sais parler, et bien même, et que j’y arriverais drôlement bien si les conditions étaient différentes, voire idéales pourquoi pas? enfin, je crois…
– Pourquoi ai-je l’impression qu’elle ne m’aime plus, qu’elle ne me désire plus?
alors qu’avant, je suis bien certain qu’elle l’était, enfin, je crois…
– Pourquoi me fait-elle mal comme ça?
elle pourrait s’en rendre compte, quand même… enfin, je crois…
– Pourquoi m’a t il trompé, ce fumier?
alors que j’ai tout fait pour lui, même ses enfants? enfin, je crois…
– Pourquoi je ne supporte pas qu’on me critique et que je pète les plombs si facilement?
alors que je me tue à toujours bien faire tout comme il faut… enfin, je crois…
– Pourquoi j’ai si peur de faire mal aux autres par ce que je dis ou ce que je fais?
alors que je fais tout et de mon mieux et plus encore pour que cela n’arrive pas
-Pourquoi personne ne fait ce que je veux sans que j’aie besoin de le dire à haute voix?
c’est pourtant pas sorcier; ça se voit bien, ce dont j’ai besoin[3]… enfin, je crois…
– Pourquoi je me sens aussi raide et pourquoi je me surveille tout le temps?
alors que je vois bien que les autres sont tous plus cool que moi, enfin, je crois…
– Pourquoi je me sens fatigué(e) sans arrêt, toujours tout le temps, constamment…
alors que je m’épuise à bien faire pour que tout soit en ordre et se passe bien?
etc.!  enfin, je crois…

Et ne me dites pas qu’une fois encore, j’insiste trop avec mes listes, «qu’un ou deux exemples auraient suffi parce qu’on n’est pas si débile que ça, quand même!» Nous connaissons vous et moi cette stratégie égotique que j’appelle SUPERZAPPING ou ZIGZAGUEUR qui se hâte de passer sans prévenir et hors conscience le plus vite possible à un autre sujet le plus anodin possible. À quoi sert ce zapping? À éviter toute contemplation sérieuse du processus de désagrément, contemplation qui se trouve être une des 12 clefs essentielles de la prise de conscience et donc, de la cessation de la souffrance[4].

Donc, j’insiste en effet en conscience d’autant plus que je ne suis pas l’inventeur de ce système de listes et d’exemples de processus mentaux. Les textes de la psychologie bouddhiste traditionnelle en regorgent et en rajoutent le plus souvent possible. Ce procédé technico-pédagogique est destiné justement à provoquer une réaction d’agacement égotique lors de la lecture de façon à permettre à la conscience lectrice de détecter ce genre de réactions automatiques. Une réaction d’agacement et de rejet de la lecture signe la victoire de l’ego sur la conscience lectrice, ce qui signifie que l’Artiste en travail intérieur n’a sans doute pas pris soin de configurer son Esprit d’Eveil avant de commencer la lecture!

Quelle est donc l’articulation mentale bien cachée qui alimente les lamentations de Povtichou(te)? Bien cachée? En effet, pour être présent dans ces lamentations, le conditionnel n’est pas pour autant visible en direct! Mais traduit en clair, toutes ces formulations peuvent se résumer à une seule: Pourquoi toutes ces misères se produisent-elles dans ma vie?… alors qu’il serait normal que tout se passe autrement[5] et surtout mieux?

L’utilisation correcte de la Sémantique Générale permet de déceler au moins 5 structures toxiques qui se trouvent mélangées dans ce genre de formulation qui fonctionne presque toujours de façon inconsciente et à laquelle nous croyons sans le savoir, bien sûr!

1°) L’emploi inconscient du conditionnel peut s’appliquer au passé (si j’avais su!), au présent (si on fait ça, …) ou au futur (on devrait faire ça, ça devrait normalement se produire…), qui provoque une déconnection de la conscience corporelle dans la perception du présent. Elle excelle à fabriquer les regrets vers le passé, et de l’espoir, vers le futur. Le Gardien du langage courant[6] affecté au dépistage de cette structure toxique est: SIJORÈSU.

2°) la confusion inconsciente de niveaux d’abstraction entre les ‘choses’ matérielles et les sentiments immatériels qui nous fait projeter sur des événements/situations extérieur(e)s le contenu de nos sentiments ainsi que l’énergie d’attention qui s’y ‘attache’. Le Gardien du langage courant affecté au dépistage de cette structure toxique dénommée «processus d’objectification» ou de «chosification» est: CHOSETRAP[6].

3°)  L’énoncé inconscient d’une phrase sans même se préoccuper de savoir si la vérification de son contenu est possible, ce qui permet de la qualifier de supposition non vérifiée d’abord, et très souvent non vérifiable ensuite. Le Gardien du langage courant affecté au dépistage du processus de fabrication inconsciente d’hypothèses est SUPPOZIDONC[6].

4°) La fabrication automatique et inconsciente des croyances lorsque personne ne vient contredire les absurdités ordinaires que nous sommes capables de proférer. Le Gardien du langage courant affecté à la création inconsciente de croyances non vérifiées ni vérifiables au présent est: TUCROIÇA[6].

Pour changer d’existence, changez vos façons d’employer le langage courant.
Un nouveau langage courant vous change !

Pour changer de comportement (et donc d’existence) changer les environnements extérieurs se révèle presque toujours inutile et insuffisant. En revanche, nous pouvons changer nos croyances à commencer par celle que nous ne pourrions pas changer notre emploi ‘habituel’ et ‘normal’ du langage courant, ce que nous appelons en S.G. changer de prémisses[7]. Le travail consiste à examiner nos façons de parler, à contrôler leur conformité de structure aux réalités qu’elles sont censées décrire de façon suffisamment précise et correcte, et à les modifier autant que nécessaire dans ce sens.

5°) Rappelons aussi que la résistance au changement est l’un des symptômes les plus courants et les plus faciles à dépister de la bureaucratie de l’Ego. Le Gardien du langage courant affecté au dépistage du processus de résistance au changement au présent est: OUIMAINON[6].

Du point de vue de l’entraînement Ã[8] au Calme Mental, tous les conditionnels passés se produisant dans nos façons de parler doivent être impitoyablement traqués, repérés et interrompus directement sans autre examen de façon à nous obliger à inventer d’autres formulations conformes aux faits. Les formes de regret et de nostalgie qui les accompagnent doivent à la suite être immédiatement identifiées et reconnues comme des processus de souffrance automatiques et invalidées[9].

De plus, le processus d’Aveuglement Spécifique[10] produisant aussi ses effets, si nous ne disposons d’aucun(e) guide pour nous aider à rectifier en conscience les absurdités contraires aux faits que notre organisation mentale fabrique aux niveaux inconscients, à savoir toutes celles citées ici et aussi celles qui font l’objet des articles de ce Blog, nous y croirons tôt ou tard. Y croyant, nous nous conduirons comme si c’était vrai[11].

En pratique, dès que le processus Stop![12] ainsi que le délai de réaction qui permet la contemplation non impliquée d’Egollywood[13] se sont produits en conscience, nous continuons par admettre qu’il n’existe aucune autre situation possible que celle qui est en train de se produire ici-maintenant.

Nous avons à considérer en conscience que nous sommes ici-maintenant au maximum de nos possibilités. Il ne s’est rien produit d’autre dans notre vie que ce que nous avons vécu. Du point de vue du passé, il ne nous manque rien! Nous avons intérêt à réaliser cela le plus clairement possible pour en tirer le meilleur parti, c’est-à-dire, revenir en conscience corporelle avec le « Réglage de Départ »[14] le plus tôt possible, de façon à court-circuiter de façon organique tous les bavardages mentaux ainsi que les perturbations émotionnelles et sentimentales qui y sont associées.

Quant à ce qui va peut-être se produire à l’extérieur, nous ne pouvons pas le savoir à l’avance, même si nous pouvons travailler à faire des hypothèses raisonnables. En revanche, nous pouvons travailler à notre tranquillité et notre lucidité internes, de façon qu’elles deviennent nos modes de perception corrects de ce qui se produira.

Chaque événement de notre existence ne se produit qu’une seule fois. Toute production mentale qui vise à nous persuader d’autre ‘chose’ porte la marque de l’Ego et mérite d’être invalidée en profondeur. D’où l’utilité d’indexer, de dater et de placer nos verbalisations, nos théories et nos déclarations dans des contextes et des environnements précis, aussi bien aux niveaux verbaux qu’aux niveaux silencieux.

Mais sachant que chacun d’entre nous choisit de croire que ce qui lui arrive est ‘réel’[15], qu’il soit bien clair que personne ne vous oblige à faire ce travail de conscience!

Avant même de servir à communiquer avec les autres, notre langage courant constitue une connaissance pratique qui structure nos représentations verbales et silencieuses à propos de nos existences intérieures et extérieures.

Mais que se passe t-il lorsque notre organisation mentale se met à croire à des mots vides de sens? L’EgoSystème réagit à sa façon, entre fantasme et inquiétude inconscients. Le processus d’intériorisation permet d’observer la façon dont notre organisation mentale est capable de fabriquer automatiquement des suites de mots (cartes) qui ne renvoient à aucun territoire vivant fonctionnel vérifiable ici-maintenant. À la suite se créent des sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’indignité, et de désespoir, mais aussi des processus de dépression d’isolement et de désocialisation. D’où la prémisse:

Dans les affaires humaines, une carte sans territoire vérifiable N'EST PAS recevable.

Et maintenant, il vous reste à lire ces

7 Histoires de Mulla Nasruddin

à propos de Sijorèsu

Essayez de ressentir de façon précise l’atmosphère de chacune de ces histoires de façon à pouvoir retrouver dans votre existence si quelque événement de structure semblable vous est déjà arrivé. Une fois que vous aurez terminé de tout lire, entourez l’histoire qui vous plaît le plus, et observez soigneusement le fonctionnement de votre Organisation Mentale pendant que votre ‘intellect’ travaille à étudier et comprendre ceci.

1°) Seulement une question de temps

Nasruddin acheta un âne. Chaque jour, il devait, lui dit-on, donner à l’animal une certaine quantité de nourriture. C’était bien trop à ses yeux… Il décida donc de tenter une expérience: il allait habituer son âne à manger moins. De jour en jour, il réduisait donc sa ration en conséquence. Un beau jour, cependant, alors qu’il en était réduit à ne presque plus rien manger du tout, l’âne se coucha sur le sol et mourut.
– Ah! Quel dommage! s’écria Nasruddin. Si j’avais eu seulement un peu plus de temps devant moi, je suis sûr que j’aurais pu réussir à l’habituer à vivre sans manger…

2°) Après tout, c’est peut-être vrai!

Nasruddin, perdu dans ses réflexions, descendait la rue du village lorsque des garnements se mirent à lui jeter des pierres. L’attaque l’avait pris au dépourvu et il n’était pas homme à pouvoir leur en imposer. Il décida de ruser:
– Arrêtez et je vous dirai un secret!
– D’accord, dis-nous ton secret, mais pas de philosophie!
– L’Emir offre un festin à tous ceux qui se présenteront au palais ce matin.
Les gamins s’éloignèrent en courant en direction de la demeure de l’Emir, tandis que Nasruddin s’animait peu à peu à l’idée des mets raffinés et des plaisirs de la fête. Levant les yeux, il vit les enfants disparaître dans le lointain. Brusquement, il releva ses robes et se mit à courir sur leurs traces.
– Je ferais mieux d’aller y voir, dit-il haletant. Après tout, c’est peut-être vrai…

3°) Prendre le deuil au cas où…

Nasruddin déambulait, drapé dans une robe de deuil bleu sombre.
– Pourquoi es-tu vêtu ainsi, Mulla? lui demande un passant. Quelqu’un est-il mort?
– C’est à peu près sûr, répondit Nasruddin. Et puis tu sais, ça aurait pu arriver sans que j’en sois informé.

4°) Quel est le plus bel exploit?

Nasruddin était alors maître d’école.
– Qui a accompli le plus bel exploit? lui demanda un jour un de ses jeunes élèves: celui qui a conquis un empire, celui qui aurait pu et qui ne l’a pas fait ou bien celui qui a empêché un autre de le faire?
– Je n’en sais rien, répondit le Mulla. Mais ce que je sais, c’est qu’il existe un exploit encore plus difficile que ceux là.
– Ah oui? Et lequel?
– Celui d’essayer de vous apprendre à regarder les choses telles qu’elles sont et non pas telles que vous supposez qu’elles existent…

5°) Avis à la population

Nasruddin se mit à haranguer les gens sur la place du marché: «Hé, vous autres, Voulez-vous la connaissance sans peine, le vrai sans le faux, la réalisation sans effort, le progrès sans sacrifice?» En un clin d’œil une foule immense s’était assemblée autour de lui. Et tous de crier: «Oui! Oui!»
– Parfait, dit le Mulla. Je voulais seulement me faire une idée. Si jamais je découvre comment faire une chose pareille, vous pouvez compter sur moi pour ne rien vous en cacher.

6°) Le gland et la citrouille

Un beau soir, étendu sous un grand chêne, Nasruddin rêvasse et philosophe en toute quiétude:
– Dans quel monde étrange nous vivons! Que la nature est donc mal faite! Tout marche à l’envers! Tiens, par exemple, pourquoi ce chêne énorme porte-t-il ces glands minuscules qui pendent de façon ridicule alors la magnifique citrouille se traîne lamentablement par terre comme une tortue?
Et le mulla continue ainsi à déplorer paisiblement l’absurdité des choses jusqu’au moment où un gland qui tombe de l’arbre rebondit sur son front.
– Allah est grand! s’exclame Nasruddin. Je retire ce que j’ai dit. Laissons donc le monde comme il est!

7°) Danger de Mort

Nasruddin se réveille en pleine nuit, agité d’un pressentiment. Il regarde par la fenêtre et il voit, éclairé par la pleine lune, une forme blanche de taille humaine qui s’agite dans le jardin. Il va secoue sa femme Khadîdja qui se trouve dans le lit à côté de lui.
– Réveille-toi. Nous sommes cernés par un voleur ou un fantôme!
Khadîdja, aussi terrorisée que son mari, se réfugie au fond des couvertures sans répondre…
N’écoutant que son courage (qui ne lui dit d’ailleurs pas grand chose), Nasruddin sort en silence dans le jardin, ramasse une grosse pierre et la lance de toutes ses forces en direction de l’intrus. Il atteint sa cible et la forme blanche tombe par terre.
Le mulla s’approche ensuite à pas de loup pour examiner la victime immobile et il revient quelques instants après, tremblant encore de tous ses membres:
– Par Allah, ma femme, il s’en est fallu de peu que tu ne me revoies pas vivant.
– Pourquoi, il t’a attaqué?
– Presque. J’ai abattu ma chemise que tu avais mise à sécher sur la corde à linge dans le jardin. Tu te rends compte! Si j’avais été dedans?

Les plaisanteries de l’Incroyable Mulla Nasruddin
Idries Shah / Le Courrier du Livre, éditeur.


[1] Cette formule est celle du philosophe et logicien Ludwig Wittgenstein (De la certitude 1950)
[2] Voir Leçon n°37: L’EgoSystème au masculin
[3] Voir Coluche, l’Accident: «Enfin quoi merde! Les gens le savent, qu’on roule bourrés. Pourraient faire attention!»
[4] Voir Mode d’emploi n°3: Prendre Conscience
[5] Voir Leçon n°18: Long fleuve tranquille
[6] Voir Leçon n°5: Les Gardiens du Langage Courant
[7] Voir Mode d’emploi n°2: Logiques de la Sémantique Générale
[8] Ã signifie non-aristotélicien, cet adjectif étant ici relatif à la structure épistémologique de la Sémantique Générale
[9] Voir Mode d’emploi n°4 du blog: Invalider la Souffrance ou l’Apprenti Sorcier
[10] Voir Mode d’emploi n°1: Aveuglement Spécifique
[11] Voir Leçon n°28: Croyances et Prémisses
[12] Voir Mode d’emploi n°11: Processus Stop-Urgence
[13] Voir Leçon n°41: Inespoir contre Egollywood
[14] Au moins jusqu’à ce jour, l’exercice technique du Réglage de Départ ne figure pas dans les textes du Blog. Il est exclusivement transmis de façon vivante au cours des stages de Formation Diamant et du Massage de Conscience Corporelle
[15] Voir Leçon n°24: Le Processus d’Intériorisation